Set fire to the rain.

Père du feu, féroce et sage, que le sang du dragon s’élève une fois de plus. Les flammes caressent le sang qui s’embrase, vengez votre père par le feu féroce et fier.
J’étais là, contemplant les montagnes qui s’élevaient, chatouillant le ciel de leur pointe, perçant les nuages comme si ces piques étaient infiniment grands. Le soleil était à son zénith, les oiseaux roucoulaient et la forêt semblait être le théâtre d’une fête dont les convives étaient loin d’être des humains. Mon cœur n’était pas à la joie, mon esprit était tourmenté par un mal sans nom, mon cœur se serrait chaque fois que je clignais des yeux, je revoyais cette scène, l’enfer oui, chaque fois que ce paysage harmonieux disparaissait, l’enfer venait à moi et puis la réalité reprenait le dessus. Mon visage était blême et sans expression, je ne ressentais rien, j’étais une coquille vide assise dans l’herbe à se remémorer la misère passée. Le silence reprit ses droits, ils avaient cessé de chanter, le temps semblait s’être arrêté et une fois de plus mes yeux se chlorent, une fois de plus, j’étais mort.
Elle courrait aussi vite qu’elle put, ses cheveux dorées dansaient à un rythme effroyable témoignant de la panique qui s’était emparé de son corps fragile. Elle retournait sa tête constamment, jetant des coups d’œil derrière elle, tenant fermement une petite couverture, la femme ne cessait d’accélérer, des larmes inondées ses joues rougies par les bouffées de chaleur et cette douleur constante qui la tiraillait. Ses genoux étaient écorchés, ses cheveux étaient en pagaille et pourtant sa beauté était intacte. Elle perdait espoir, la flamme qui brillait en elle s’étouffait petit à petit, à bout de souffle, la jeune femme s’arrêta au bord d’un ravin, ligne interminable comme une limite, la fin de sa petite vie de misère. Le ciel pétillant qui caractérisait si bien ce monde que l’on chérissait tant noircissait à vue d’œil, une silhouette rouge vive se dessinait à l’horizon, la jolie blonde serrait la petite couverture contre son cœur et ferma les yeux comme pour se réveiller d’un mauvais rêve. Deux grandes ailes enflammées s’approchaient dans un rugissement à vous glacer le sang, les arbres subirent les méandres de cette créature, le tapis de verdure et de feuilles qui recouvraient le sol s’embrasaient à une vitesse folle, la température grimpait de plus en plus. Le silence reprit à nouveau ses droits, le temps, ce fourbe, continuait sa course comme si de rien n’était alors que l’horloge de la femme elle, s’était arrêté au milieu de ses flammes infernales qui recouvraient la forêt. La cascade dorée qui recouvrait jadis ses épaules n’était plus et la couverture devint un tas de poussière. L’enfer s’était installé le temps de quelques jours et deux âmes innocentes avaient péris dans un endroit qui n’était pas le leur.
Mes yeux s’ouvrirent doucement et se refermèrent instantanément. Une lumière trop vive qui me tiraillait, des messes-basses qui fusaient autour de moi, des chuchotements incessants et des sanglotements qui résonnaient entre les murs de cet endroit. Où étais-je ? L’odeur et les voix, tout m’était familier et pourtant, j’étais perdu, désorienté comme après un lendemain de fête. La bouche pâteuse, les membres engourdis et la gorge sèche, aucun son ne voulut passer à travers mes lèvres, mon visage restait blême et sans expression alors que j’essayais tant bien que de mal d’ouvrir les yeux. Des visages que je connaissais bien se dessinaient devant moi, des femmes et des hommes dont l’expression était floue et confuse, colère ou inquiétude, les deux semblaient se mélanger. Ils parlaient et braillaient mais les paroles qui s’échappaient de leur bouche ne m’atteignaient pas, je ne comprenais pas, tout résonnait dans mon esprit sans que la moindre information ne passe. J’avais froid et chaud à la fois, soif et faim, fiévreux, je ne voulais voir personne non, la solitude et le calme, des choses que je convoitais plus que tout au monde, me reposer pour mieux récupérer, ils ne voulaient pas comprendre et continuaient de jacasser sans cesse, les sons semblaient plus forts, une grimace tordit mon visage alors que la douleur se faisait plus vive. Tout s’enchainer comme un manège infernal qui m’avait pris dans son engrenage, je ne devenais pas fou non, je souffrais, tout simplement. Mes yeux se chlorent à nouveau pour laisser place aux ténèbres, partir et ne jamais revenir pour mieux vivre. Pourquoi est-ce que j’étais dans cet état ? Que m’était-il arrivé ? Moi-même je me le demandais.

Tout était vide, les couleurs ternissaient à vue d’œil alors que mon regard restait posé sur cette femme qui se tenait droit comme un pique, les sourcils froncés et le visage grave. Il y a un adage qui dit qu’on fait toujours du mal à ceux qu’on aime mais il oublie de dire qu’on aime ceux qui nous font du mal. Les flammes et la chaleur, le vent qui fouettait mes écailles et cet absence de sentiments, ce vide qui m’empêchait de voir la réalité comme un prédateur, un ouragan de braises qui ne s’arrêtait qu’à l’épuisement. Un monstre, une créature qui avait ravagé la forêt un beau jour, pourquoi, comment ? L’énervement, le stress, tout était mélangé, j’étais une bombe à retardement qui flânait dans un monde qui n’était au fond, pas vraiment le mien. Mon cœur se serrait et les souvenirs se succédaient dans mon esprit comme une mère houleuse qui me ballottait dans tous les sens, me noyant petit à petit. De quoi pouvais-je bien me souvenir ? De tout, ou peut-être de rien. Je me souviens de cette colère qui m’avait envahi, un sentiment féroce et puissant qui me broyait les entrailles, une rage qui noircissait mon âme, des mots et des gestes qui m’avaient poussé à bout, à l’irréparable. Cette malédiction, cette chose qui me hantait et me retournait l’esprit chaque fois que la colère prenait le dessus, cette ombre qui s’accrochait à ma petite personne et attendant le moment propice pour ressurgir, dragon, lézard de malheur, pourquoi fallait-il que tu fasses ta mauvaise tête ce jour-là ? La femme qui se tenait en face de moi posa une main sur mon visage et me fixait avec un air désolé alors que mon regard était dirigé vers le sol, des larmes qui perlaient et venait glisser le long de mes joues. Cette cascade dorée sur les terres devenues noires de la forêt, cette couverture qu’elle tenait fermement, un gémissement s’échappa d’entre mes lèvres et mes jambes se dérobèrent laissant mon corps meurtri au sol. Elles étaient partis, leurs âmes fauchées par le monstre que j’étais, j’avais tout perdu, femme, fille, famille, je n’étais plus qu’une coquille vide. La douleur remontait en moi comme une traînée de poudre, les sentiments me dévastèrent, le cri naquit au plus profond de mes entrailles et franchit ma gorge en forçant les barrières de mes lèvres. J’ai hurlé.

Les jours passèrent sans que la blessure ne se referme, on ne relève pas d’un tel évènement, je n’étais pas un rocher ou un être dépourvu de sentiments. Chaque jour, chaque minutes les souvenirs me dévastaient encore et toujours mais mon visage affichait un tout autre sentiment, celui d’un homme fort, d’un professeur, d’un exemple que l’on devait suivre et pourtant je n’en étais pas un, une créature à écailles qui s’embrasait lorsque la colère prenait le dessus, j’étais un monstre auquel il ne fallait pas se frotter mais personne, non, personne n’était au courant de cette malédiction, ce « don » des enfers. Pyrokinésiste, un professeur parmi tant d’autres, voilà comment ils me voyaient, mais savaient-ils seulement que derrière mes airs de gentilhomme se cachait un lézard, un dragon, une chimère aux ailes de feu ?